300 000 manifestants sont descendus dans les rues de Lisbonne ce samedi 11 février, à l'appel de la seule CGTP, pour dire Non à une nouvelle déclaration de guerre contre les travailleurs portugais.
La manifestation, partie de la Place des Restaurateurs vers le Terreiro do Paço, une des plus grandes places d'Europe, est selon le secrétaire de la CGTP, « la plus grande manifestation de ces trois dernières décennies ».
En ligne de mire des manifestants, les mesures dites d'austérité proposées par le nouveau gouvernement de droite, avec l'accord du PS qui a mis en œuvre les quatre plans d'austérité précédents, et imposées par la « troïka » BCE/Union européenne/FMI.
Le nouveau gouvernement a déjà fait passé fin 2011 une nouvelle hausse de la TVA, la suppression des treizième et quatorzième mois pour les fonctionnaires, la concession de parts de l’État dans diverses entreprises publiques (électricité, caisse des dépôts) ou encore de nouvelles exonérations de cotisations patronales.
En ce début d'année 2012, il avait fait de l'augmentation du temps de travail d'une demi-heure par jour (soit trois heures par semaine) sa mesure phare. Confronté à une résistance de plus en plus forte dans les entreprises, matérialisée par la grève massivement suivie du 24 novembre, le patronat a reculé sur cette mesure pour mieux avancer sur son agenda de casse sociale.
Objectif de la CGTP : retrait de l'accord inique signé entre le patronat et l'UGT dans le cadre du « dialogue social »
Si le mot d'ordre général de la manifestation porté par la CGTP était « Non à l'exploitation, aux inégalités et à la paupérisation », le premier syndicat portugais avait fixé un objectif plus concret : obtenir le retrait de l'accord-projet de loi signé en janvier 2012 entre le patronat et le deuxième syndicat portugais d'obédience social-démocrate, l'UGT.
Accord qui feint un recul patronal sur la hausse du temps du travail pour avancer sur la dérégulation des licenciements, devenus plus faciles et moins onéreux pour le patron, la flexibilisation des horaires de travail avec l'instauration de la « banque d'heures », la baisse des salaires réels avec la minoration du paiement des heures supplémentaires ou encore la remise en cause du principe de la négociation collective.
Le nouveau secrétaire-général de la CGTP, Arménio Carlos, a appelé à la lutte pour le retrait du projet de loi : « Cet accord récent de concertation sociale est une des plus grandes arnaques du siècle ! Mais cet accord n'a pas force de loi, il nous faut donc le combattre de toutes nos forces pour obtenir son retrait ».
Le mot d'ordre « A luta continua ! » scandé par les manifestants a trouvé un écho dans la conclusion du discours du dirigeant syndical portugais pour qui la perspective est celle de « la mobilisation générale, pour informer les travailleurs, agir et lutter sur tous les lieux de travail contre ces mesures de recul social et civilisationnel ».
La CGTP et les communistes en première ligne de la lutte contre « le pacte d'agression »
La nouvelle trahison de l'UGT, syndicat de tradition socialiste qui avait fait passer les plans d'austérité du gouvernement Socrates, n'est pas une surprise mais reste éclairante sur les divergences entre un syndicat réformiste qui privilégie le « dialogue social » et un syndicat de classe comme la CGTP, qui construit la lutte pour mettre en échec les plans d'austérité successifs.
Le XIIème Congrès de la CGTP, qui s'est tenu les 27 et 28 janvier dernier a réaffirmé la ligne de lutte que se donne le syndicat pour les semaines à venir :
1) Le choix de la lutte pour mettre en échec les nouvelles mesures d'austérité négociées entre patronat,
2) Unité d'action à la base plutôt qu'accords de sommet ;
3) Alternative politique pour un « Portugal développé et souverain – un travail avec des droits » insistant entre autres sur la rupture avec la politique de l'UE et sur des nationalisations démocratiques ;
Dans le respect de l'indépendance du premier syndicat portugais, la Conférence a également marqué un nouveau rapprochement entre la CGTP, et son parti historique de référence, le PCP, avec l'élection à la tête de la centrale syndicale d'un dirigeant du Parti communiste, Arménio Carlos, membre du Comité Central du PCP.
La CGTP a déjà annoncé qu'elle continuerait à construire la mobilisation, avec la poursuite des actions locales coordonnées nationalement dans le cadre de la campagne des « Semaines de lutte », avec la journée européenne du 29 février comme étape d'une mobilisation plus large, construite entreprise par entreprise mais avec une perspective de lutte nationale.
Selon le secrétaire-général du Parti communiste portugais, Jeronimo de Sousa, la seule voie est aujourd'hui celle de « la lutte de masses : lutte contre l'exploitation, lutte contre ce pacte d'agression, une lutte chargée d'espoir ».